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Why concentrated media ownership is great for corporate profits, dangerous for democracy. Part 1 of 3

This article originally appeared at TheTyee.ca — une version traduite se trouve ci-dessous

Imagine a world where your morning newspaper is published by the same company that produces your children’s textbooks.

The same corporation also owns your local TV news station, plus the national 24-hour news channel. In fact, they own the cable service, so they decide which channels to offer. Several of those channels also belong to the corporation, so if you find their regular news programming boring or depressing, you can watch celebrity news. Or sports. Or game shows. Or reality TV. Or kids’ shows. They even have a movie channel. In fact, they make movies, so if your attention span is long enough, you can watch a film produced by the same company that publishes the magazines and novels that you read.

They also produce the music that you listen to. If you want to buy more tunes, they run the online store. That’s where you can get concert DVDs and box sets of your favourite shows, produced by the same corporation. They also own your internet service provider – and the cell phone network. So if you want more news and views that you can’t find in the newspaper, well, there’s an app for that. Actually, there’s a whole news site, with stories from all across Canada. They own that, as well as the press agency that filters and wholesales all the content, nation-wide. They also design the ads you see in between their other content – online, in print, and on TV. It doesn’t matter which “platform” you turn to – their content is there, cross-promoting their other content, on other platforms.

If you need to get away from all this, they put on concerts (featuring the same artists that populate their universe of hit records and reality shows.)

But for truly sustained distraction, nothing beats professional sports. That’s why they own your local NHL team, run the arena, and broadcast the games. The only catch is – if you want to watch hockey, you have to subscribe to their cable service.

I’m not describing some dystopian future fantasy. The hockey team is on hold for the moment, but otherwise this is reality in 2011 in francophone Québec. The corporation is Quebecor, and the media assets described are real. It’s possible, especially if you don’t speak English, to spend a day, a week, or longer entirely within Quebecor’s media universe.

Continue reading at TheTyee.ca

PKP on the left, Quebec City mayor Regis Labeaume on the right

Un avertissement en provenance du Québec

Imaginez un monde dans lequel votre quotidien est produit par la même entreprise que les manuels scolaires de vos enfants. La même entité possède aussi votre station de télévision locale et la chaîne de nouvelles en continu nationale.

En fait, ils sont propriétaires du câble et peuvent par conséquent décider quels canaux offrir. Plusieurs de ces canaux leur appartiennent aussi, de sorte que si vous trouvez l’actualité trop ennuyante ou déprimante, vous pouvez regarder des potins artistiques. Ou du sport. Ou des quiz télévisés. Ou de la téléréalité. Ou des émissions pour enfants. Ils ont même une chaîne de films, de sorte que si vous pouvez rester concentré suffisamment longtemps, vous pouvez regarder un film produit par la même entreprise qui est aussi derrière les magazines et les romans que vous lisez.

Ils produisent aussi la musique que vous écoutez. Si vous souhaitez acheter quelques chansons, ils sont derrière la boutique en ligne qui va vous les vendre. C’est aussi là que vous trouverez des DVD de séries télé ou de concerts qu’ils ont produits.

Ils possèdent le fournisseur d’accès à Internet et le réseau de téléphone sans fil. Si vous souhaitez consulter des nouvelles ou points de vue que vous ne trouvez pas dans votre journal, il y a justement une application pour ça. En fait, il y a un site d’information en entier, avec des nouvelles venant de partout au Canada. C’est à eux, tout comme l’agence de presse qui filtre et vend en gros tout le contenu, d’un océan à l’autre.

Ils composent aussi les publicités qui s’insèrent dans leur autre contenu: en ligne, en imprimé et à la télé. Peu importe la plateforme vers laquelle vous vous tournez, leur contenu est là, faisant la promotion de leur autre contenu et de leurs autres plateformes.

Si c’est trop pour vous et que vous devez vous évader, ils offrent aussi des concerts (mettant en vedette ces mêmes artistes qui habitent leur univers de musique populaire et de téléréalité). Mais pour du vrai divertissement de longue haleine, rien ne bat le sport professionnel. Voilà pourquoi ils sont aussi propriétaires de votre équipe de la LNH, gèrent l’aréna et diffusent les matchs. Le seul hic: si vous voulez regarder les matchs, il faut vous abonner à leur service de câble.

La réalité québécoise

Ce que je viens de décrire n’est pas une obscure vision du futur. Le projet d’équipe de hockey est sur la glace, mais autrement, c’est la réalité en 2011 dans le Québec francophone. L’entreprise s’appelle Quebecor et les propriétés médiatiques en question sont bien réelles.

Il est possible, particulièrement si vous ne parlez pas anglais, de passer une journée, une semaine ou même plus longtemps encore sans jamais sortir de l’univers médiatique de Quebecor.

Ce que cela signifie, c’est qu’une entreprise détient un pouvoir démesuré d’influencer l’opinion publique au Québec. En choisissant de quoi elle parle, et de ce dont elle ne parle pas, Quebecor peut délimiter de façon invisible le lot d’idées auxquelles ses consommateurs sont exposés, voire suggérer lesquelles sont ou ne sont pas légitimes.

Mais pour être en mesure de définir une culture complète de la sorte, les médias ne suffisent pas. D’où l’intérêt pour les actifs liés au divertissement et, maintenant, une équipe de la LNH. Le retour des Nordiques semble être devenu la clé du plan d’affaires à long terme de l’entreprise, en plus d’être une obsession personnelle pour son PDG, Pierre Karl Péladeau. Depuis un an, il utilise tout le reste de son empire comme levier pour en faire une réalité.

PKP, comme on l’appelle, fait face à un dilemme. Pour obtenir une équipe, il doit avoir un aréna. Mais pour obtenir ce dernier, il doit convaincre les Québécois, et leurs élus, qu’il a des chances réalistes d’obtenir une équipe de la LNH. C’est la plus récente des tentatives de Quebecor d’influencer l’environnement culturel et politique québécois.

Si elle réussit, l’entreprise se retrouvera en position de financer d’autres acquisitions encore plus importantes, et probablement devenir un sérieux rival pour les trois autres titans canadiens des industries des médias et des télécoms: Bell, Rogers et Shaw.

La guerre que mène Quebecor contre Radio-Canada s’intensifierait aussi. Que ce soit clair: je ne favorise pas un diffuseur plutôt qu’un autre. J’y reviendrai. Mais la doctrine acceptée de «convergence médiatique» — dont l’exemple de Quebecor illustre la définition du dictionnaire — a des effets secondaires dangereux pour nous, citoyens-consommateurs.

Bientôt sur vos écrans

La question de l’équipe de hockey sera à l’avant-plan ce mois-ci, quand les élus du parlement provincial québécois vont recommencer à siéger à l’Assemblée Nationale. Ce que Péladeau veut de leur part, c’est une loi taillée sur mesure pour lui. Le projet de loi déjà sur la table protégerait de façon rétroactive le contrat d’une durée de 25 ans qu’il a signé avec la Ville de Québec. (Comme vous savez, la Ville et le gouvernement provincial ont déjà accepté de partager les coûts de construction estimés à 400 M$. Quebecor n’investira pas un sou pour construire l’aréna lui-même.)

La raison pour laquelle l’entente de gestion a besoin de la protection urgente d’une loi est qu’elle pourrait bien être illégale. La Ville n’a jamais procédé à un appel d’offres et une poursuite déposée en Cour supérieure vise à faire annuler l’entente précisément pour cette raison.

Les citoyens qui mènent ce combat affirment également que l’entente est injuste pour les contribuables. Ils la comparent à louer une maison de 400 000$ pour 375$ par mois. Une autre estimation basée sur les autres franchises canadiennes de la LNH place le bail offert par Québec entre 20% et 50% de sa valeur marchande.

Des experts en droit indépendants craignent que le gouvernement provincial ne crée un dangereux précédent en l’approuvant. Et pourtant, cette loi spéciale a de bonnes chances de passer.

Pourquoi donc un gouvernement fauché est-il sur le point de construire un majestueux palais du divertissement pour un multimillionnaire, puis de lui en remettre les clés?

Comment en sommes-nous arrivés là?

Comprendre pourquoi vous en dira beaucoup sur le Québec. Et comprendre le Québec, pourrait vous en dire un bout sur où le reste de nous nous dirigeons.

Les gens du Canada anglais devraient porter attention à la saga de l’aréna, aussi idiot que cela puisse paraître. C’est que le Québec n’est plus aussi différent que ce que l’on pourrait imaginer. J’aime parfois le comparer à un aquarium. Le Québec est un réservoir relativement petit, contenu à l’intérieur de cloisons de verre que sont la culture et la langue.

Dans ce réservoir, Quebecor est indiscutablement le maître des lieux. Mais ce que Quebecor a accompli à l’intérieur du Québec, d’autres le testent activement à plus grande échelle dans le Canada anglais. Il ne s’agit pas nécessairement de compétiteurs qui essaient d’imiter le modèle d’affaires de Quebecor. Ce que je dis, c’est qu’il y a un genre particulier d’idéologie politique qui fonctionne très bien à l’intérieur d’un certain genre d’aquarium. Des murs de verre sont en train d’être érigés pour contenir le Canada. Et Quebecor marche main dans la main avec les gens responsables de ce projet inédit.

Les gardiens du temple

Il est difficile d’exagérer l’omniprésence de Quebecor dans le marché médiatique québécois. Aucun de ses compétiteurs ne s’en approche. Quebecor a perçu des revenus de 4 milliards de dollars l’an dernier.

Cela signifie qu’il y a 40 pays dans le monde dont le produit intérieur brut est plus petit que les revenus de Quebecor, qui a dégagé un bénéfice de 230 M$.

L’entreprise n’a pas seulement réussi à éviter le rouge durant la récession, elle a même pris de l’ampleur. Sa division médiatique est toujours très rentable, malgré tous les pronostics de fin du monde prononcés envers les industries de l’imprimé et de la télédiffusion.

Un exemple: malgré un acrimonieux lock-out de ses employés qui a duré 27 mois au sein du navire amiral de son réseau de quotidiens, le lectorat du Journal de Montréal a augmenté.

Le syndicat a finalement rendu les armes en avril, laissant le Journal avec plus de lecteurs et moins d’employés.

Tout au long de ce conflit, le quotidien a été la cible d’un appel au boycottage provenant de ses propres journalistes, mais à côté du gigantesque porte-voix de Quebecor, leurs appels étaient inaudibles et étouffés. Le Journal demeure le troisième quotidien le plus lu au Canada, avec un lectorat hebdomadaire estimé à 1,9 million de personnes.

Au total, Quebecor publie 37 quotidiens payants, plus sept quotidiens gratuits destinés aux usagers du transport en commun. Elle possède aussi plus de 200 hebdomadaires locaux et publications spécialisées. Au Québec, l’entreprise annonce que ses journaux rejoignent à eux seuls 90% de tous les ménages de la province chaque semaine. Ce n’est que la division de l’imprimé.

Quebecor opère aussi le réseau TVA, dont le bulletin de nouvelles est le plus écouté dans tous les marchés du Québec, et LCN, la chaîne d’information en continu la plus écoutée. Son portail d’information en ligne, Canoe.ca, attire 4,1 millions de visiteurs uniques par mois (plus de la moitié de la population de la province).

Ce que cela signifie, c’est que Quebecor s’est positionnée en tant que principal gardien de l’information dans le Québec francophone. Mais elle occupe aussi un deuxième rôle apparenté, comme fournisseur de divertissement.

L’an dernier, 9 des 10 émissions de télévision les plus écoutées au Québec étaient produites par Quebecor. Avec le réseau TVA et sept chaînes spécialisées, l’entreprise diffuse 23 des 30 émissions les plus écoutées de la province.

En plus de produire des films, elle gère et traduit une collection de films anglophones pour diffusion.

Sa division des magazines est aussi prolifique et omniprésente. Debout en file au comptoir-caisse d’un supermarché de Québec cet été, j’ai vérifié combien de magazines sur le présentoir étaient publiés par la même entreprise. La réponse? Neuf sur onze. Maisons de rêve, perte de poids et, bien sûr, potins artistiques — mettant en vedette les mêmes artistes «maison» que l’on retrouve dans le reste de l’univers Quebecor.

Des 11 albums québécois à avoir obtenu la certification Or ou Platine l’an dernier, 10 provenaient de la division musicale de l’empire Quebecor. On peut largement attribuer ces triomphes à répétition à la promotion croisée, via laquelle les propriétés médiatiques de toutes les plateformes de l’empire sont enrôlées pour publier des critiques favorables, du temps promotionnel sur les talk-shows et autres formes de publicité gratuite. Ce modèle de convergence est clairement fantastique pour les affaires. Je crois qu’il est aussi inquiétant pour la démocratie.

«Ce qui est bien pour Quebecor…»

Comme toutes les entreprises importantes, il est important de rappeler que Quebecor est contrôlée par des humains, certains d’entre eux étant très distingués.

Le peu de temps que j’ai pu passer devant Pierre Karl Péladeau a été cordial, voire agréable. Plus important, l’entreprise emploie 16 000 personnes, plusieurs d’entre eux étant des collègues respectés et des amis personnels.

Quebecor a besoin de ces gens pour faire tout cet argent, et pas seulement au profit de ses principaux dirigeants. Environ 45% de l’entreprise est détenu par le plus important fonds de pension au Canada, la Caisse de dépôt et placement du Québec. Quand PKP dit que «ce qui est bon pour Quebecor est bon pour tous les Québécois», il a en partie raison.

Mais du même souffle, l’entreprise réfère naïvement en anglais à ses clients comme étant des «revenue-generating units» («unités de service» dans la version française). En tenant compte de la façon dont l’entreprise traite ses propres employés, il est difficile de croire qu’elle ait beaucoup de respect pour nous.

Durant le lock-out au Journal de Montréal, plusieurs leaders syndicaux ont joint leur voix à celle des piqueteurs, malgré le fait que leur propre fonds de pension était indirectement lié à la performance de Quebecor. Les syndicats ont demandé à la Caisse d’utiliser son pouvoir, à titre de plus important actionnaire, pour résoudre le conflit.

Ce n’est pas arrivé. À mon avis, la victoire décisive de l’entreprise au printemps dernier aux dépens de son plus puissant syndicat a servi un double mandat: premièrement, faire tout ce qu’il faut pour protéger sa marge de profit; deuxièmement, étendre sa bataille éditoriale contre le syndicalisme ou, plus largement, à la gauche politique en général.

Il s’agit d’une vaste accusation et, de fait, le biais journalistique est quelque chose de difficile à prouver.

Quebecor a refusé de répondre aux questions pour cet article. Plus important, l’entreprise a décidé de se retirer du Conseil de presse du Québec. Ce chien de garde indépendant et fonctionnant sur une base volontaire est présidé par le juge à la retraite John Gomery, celui du scandale des commandites, Monsieur Probité en personne.

Le Conseil de presse n’a aucun pouvoir de sanction envers les organismes de presse qui y adhèrent, mais il enquête sur les plaintes provenant du public à propos des règles déontologiques et éthiques. En 2010, Quebecor n’a pas apprécié certaines des décisions du Conseil et a simplement fui.

Comme l’indique la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le groupe Quebecor «ne s’est pas doté du moindre mécanisme crédible pour recevoir et traiter, de manière indépendante, les plaintes du public».

Ses dirigeants vont vous abreuver de l’argument habituel à propos de l’étanchéité de la salle de rédaction par rapport à la salle du conseil d’administration. Mais les anciens employés vont vous raconter quelque chose de très différent. Je ne peux en témoigner moi-même, n’y ayant jamais travaillé. Par conséquent, plutôt que d’évaluer le «biais journalistique» du contenu de Quebecor, je propose la mesure du «biais économique» pour mieux comprendre comment les multiples filiales du groupe, y compris ses divisions d’information, fonctionnent en harmonie.

Voici le portrait: les journalistes de Quebecor oeuvrent au sein d’unités d’affaires qui compétitionnent contre diverses entreprises extérieures, mais qui sont toutes des tentacules du même empire.

Voici un exemple rapporté par le compétiteur La Presse: Quebecor prend des mesures pour éliminer l’iPhone des univers fictifs de ses émissions de télévision dramatiques. Les producteurs tiers de ces émissions ont en effet dû remplir un questionnaire afin de savoir lesquels de leurs personnages utilisaient l’appareil d’Apple et si les téléspectateurs étaient exposés aux sonneries caractéristiques de celui-ci.

Pourquoi? Parce que le réseau de données sans fil de Quebecor n’est pas compatible avec l’iPhone. La logique est diaboliquement simple. Et comme de fait, à travers l’ensemble de l’empire de divertissement de Quebecor, vous auriez de la difficulté à trouver une chanson, un livre ou un article qui pourrait affecter à la baisse le profit de Quebecor à la fin de l’année, ou même simplement remettre en question le modèle d’affaires duquel il est tiré.

Une fois que vous avez identifié le pattern, il est difficile de ne pas l’identifier à nouveau dans la couverture médiatique que fait Quebecor de la saga de l’amphithéâtre de Québec (un conflit d’intérêt direct) ou, puisqu’on y est, de l’ensemble de sa ligne éditoriale.

Des lunettes noires

Je trouve déprimant d’avoir à consommer des nouvelles de Quebecor (pas qu’ils aient le monopole du contenu déprimant). En plus de son sensationnalisme habituel, il vaut la peine de s’attarder aux projets rédactionnels de longue haleine auxquels Quebecor accorde le plus de temps et d’énergie.

Il s’agit ici de séries multiplateformes, articulées autour d’identités visuelles distinctes. Chaque nouvelle itération génère sa part de chroniques et d’éditoriaux négatifs, émis par des chroniqueurs maison qui passent des apparitions à la télévision aux billets écrits, et vice-versa.

«Le Québec dans le rouge» est le fourre-tout pour toutes les histoires concernant l’endettement gouvernemental. On rappelle d’abord au citoyen que le Québec a la plus importante dette de toutes les provinces canadiennes, puis on lui demande subtilement s’ils approuvent des hausses de taxes pour combattre le déficit. Bref, il n’y a pas de bonne réponse.

«Où vont nos impôts?» est une litanie perpétuelle de gaspillage d’argent public, incluant une énumération hebdomadaire de toutes les dépenses et les investissements, alimentée par d’innombrables demandes d’accès à l’information. Il en résulte des manchettes en page frontispice comme des dépenses de 1,7 M$ pour s’occuper des plantes dans les édifices gouvernementaux.

«Otages de la route» était une série sur plusieurs jours pendant laquelle on a tapissé les ondes et les pages d’articles à propos des misères des banlieusards et pourquoi leurs misères quotidiennes sur les routes n’étaient pas près de s’estomper.

La liste continue. Il n’y a pas que les finances publiques et les infrastructures. Le système de santé, l’éducation, l’immigration, la réponse aux catastrophes naturelles: tout peut être observé au travers de la même lorgnette, la thèse voulant que le Québec est cassé et entraîné vers le précipice par une bande de bouffons dépensiers.

Il y a peut-être un fond de vérité à ce dernier point. Les politiciens, après tout, ont tendance à prendre des décisions à court terme, guidées par des préoccupations liées à leur propre survie politique. Mais les entreprises, comme nous le démontre si bien Quebecor dans le dossier de l’amphithéâtre, font des plans pour 25 ans. Les entreprises ont du succès quand elles adhèrent à une vision bien définie, ou à une idéologie centrale. Et il y a certainement une idéologie centrale chez Quebecor.

En plus de prôner la réduction de la taille de l’État, un faible régime d’imposition ainsi qu’une vision pro-entreprises et antisyndicale, un agenda commun à tous les conservateurs (avec un petit «c») du Canada, l’entreprise promeut et épouse un nationalisme québécois d’un genre troublant.

Le vétéran chroniqueur Don Macpherson, de la Gazette, a fréquemment identifié ce qu’il considère comme de la xénophobie virulente dans les pages éditoriales de l’empire Quebecor. (Vous pourriez être surpris de savoir qui écrit ces chroniques. Nous y reviendrons dans la partie III).

La Gazette, en tant que quotidien anglophone, n’est pas en compétition directe avec le Journal de Montréal ou le reste de l’armada de Quebecor. Mais les lecteurs de la Gazette, en tant qu’anglophones, sont constamment pris à partie par les chroniqueurs de Quebecor.

Le Journal de Montréal est connu pour avoir envoyé, sous le couvert de l’anonymat, une journaliste un peu partout en ville, en pleine saison de magasinage des Fêtes, afin d’appliquer en anglais sur des emplois à temps partiel dans des boutiques. La conclusion, sensationnaliste, était à l’effet que si elle pouvait obtenir un emploi à temps partiel au salaire minimum sans parler français, l’identité francophone de la province était en péril.

Le même genre de gamique est appliqué aux immigrants (en particulier les Musulmans) qui sont fréquememnt la cible d’attaques éditoriales ciblées employant la peur. J’en veux pour preuve le long débat sur les accommodements raisonnables envers les minorités religieuses.

Ce qu’ont réussi des chroniqueurs, surtout Richard Martineau, c’est de faire passer le libéralisme politique pour de la «mollesse identitaire», qui ouvre supposément la porte à un renversement. Pendant la dernière campagne électorale fédérale, Martineau s’est acharné sur Jack Layton et Michael Ignatieff parce que ceux-ci avaient accepté de couvrir leur tête lors de visites dans des temples sikhs.

En plus d’identifier leur couvre-chef comme un «turban», un mot sensible, alors qu’il ne s’agissait en réalité que d’une sorte de foulard, Martineau a complètement omis de mentionner les visites de Stephen Harper dans des temples sikhs, où le chef des Conservateurs a lui aussi porté le même type de foulard.

Mais Martineau ne s’est pas arrêté là. Quelle est la prochaine étape?, demandait-il. Ignatieff et Layton vont-ils porter des boudins pour faire campagne avec les juifs hassidiques? Des plumes sur la tête pour faire du porte-à-porte sur les réserves? Des voiles musulmans?

Les boutons sur lesquels appuie Martineau sont toujours savamment choisis. Chacun est lié à un point de tension spécifique dans la société québécoise. Porteront-ils des masques vaudou et danseront-ils autour de feux de joie pour séduire le vote haïtien?

Martineau a droit à son opinion, mais c’est Quebecor qui a identifié le marché pour celles-ci. C’est Quebecor qui héberge son blogue, imprime ses chroniques et lui donne une tribune quotidienne à la télévision.

Cet été, après les attaques terroristes menées en Norvège par un fondamentaliste chrétien détestant les Musulmans et ayant tué 77 personnes, Martineau rejetait de façon systématique toute comparaison à l’extrémisme musulman.

«Quoi qu’en pensent ces lecteurs, écrivait-il, les terroristes cathos sont des électrons libres, alors que de l’autre côté, on a affaire à une véritable sous-culture de la haine.»

Les Chrétiens, faisait-il valoir, sont victimes des trois quarts de la persécution religieuse dans le monde.

«Contrairement à Breivik, poursuivait-il, qui a agi à titre personnel, les barbus qui se font sauter font partie d’un mouvement international … »

Toujours cet été, Quebecor a mis beaucoup d’emphase sur le fait qu’une employée de à Québec avait reçu la permission de porter un hijab au travail. En fait, l’organisme gouvernemental comptait se procurer d’autres hijabs et turbans aux couleurs de l’uniforme.

À TVA, on faisait jouer un extrait d’un vidéo de Parcs Canada expliquant que l’uniforme était un élément de fierté et que si les employés souhaitaient y ajouter un élément de nature religieuse, des efforts seraient faits pour standardiser cet accessoire d’un océan à l’autre. Le débat sur la laïcité a été fait sous la forme de commentaires des auditeurs. L’expert invité à analyser en direct était Richard Martineau.

Le jour où Jack Layton est mort, Martineau a prévenu ses lecteurs de ne pas en faire un saint. Après tout, son parti avait déjà présenté une candidate nommée Samira Laouni qui portait le hijab.

Combinez ces attaques vitrioliques et cette paranoïa et vous obtenez un portrait du Québec qui vous rend perplexe. Avant d’y emménager en 2007, je voyais le Québec comme une sorte de province sœur de la Colombie-Britannique: une société libérale et soucieuse de l’environnement. Un endroit avec un système universel de garderies, beaucoup de femmes dans des rôles importants, un mouvement contestataire actif, des institutions publiques bien financées et une culture forte, vibrante et progressive. J’y ai trouvé toutes ces choses, en plus d’un remarquable esprit de curiosité et d’inclusion.

Mais il suffit de passer un peu trop de temps à consulter du contenu produit par Quebecor pour en émerger convaincu que le Québec est un nid pourri de corruption, au bord de la décadence. Une île isolée par une mer d’anglophones hostiles, des bateaux pleins de terroristes suicidaires n’attendant que l’occasion d’accoster. Une petite tribu homogène, menacée d’extinction, qui n’a pour seule issue que de se couvrir d’un drap de «culture». Une culture composée de divertissement produit par Quebecor. Une bulle hermétique peuplée de célébrités maison et, un jour, de joueurs de hockey.

En fait, rien de tout cela n’est particulièrement vrai. Le Québec n’est pas un endroit désespéré. Mais cultiver l’angoisse est devenu une recette pour générer des profits et du pouvoir.

La deuxième partie sera publiée demain. Elle raconte l’histoire d’un parti politique qui a choisi ce sentier de la peur et du négativisme. Le printemps dernier, le Parti Québécois a sacrifié quelques-uns de ses derniers principes afin d’obtenir un bail d’aréna à rabais pour Quebecor. Le geste leur a explosé au visage et cinq de ses députés les plus proéminents ont quitté, dégoûtés. J’ai parlé à un homme qui affirme préférer l’intérêt public à sa carrière.

La troisième partie s’intéresse au pouvoir des sondages et à la façon dont les politiciens sont manipulés par les médias. Je m’intéresse aussi aux opérations de Quebecor au Canada anglais et aux leçons qu’en tirent les autres entreprises de télécommunications. La dissertation se termine avec une réflexion sur l’état du débat public dans les médias canadiens.

You may have noticed the yellow button I added to the sidebar of this blog. I’ll explain in a minute, but first I’d like to tell you what’s happened since early July.

“Summer of change”

When I was a kid, I used to get the same feeling at the end of every summer. I described it at the time as “the epic feeling”. It was like an extended version of the buzz I got from riding my bike off some rickety jump in the forest, far from medical aid: there’s a moment before your tires touch the earth where your brain says, “this will be either wonderful or disastrous.”

Every August, as school loomed closer, I’d feel a similar rush. It’s a weird combination of adrenaline and urgency, coupled with the knowledge that everything you do this fall is going to have consequences. On those last warm nights, like a ladybug, I used to climb to the highest point I could, look out over the city, and try to control my breathing. When I turned 15, I stopped taking summers off, and the sensation dissipated.

Somewhere between Quebec City and Vancouver.

It’s back. My friend Evan dubbed the season now wrapping up “the summer of change,” and I think he hit on something. It feels like everyone I know is breaking up or moving house or launching new projects. But there’s a macro element at play too.

I look back at Québec, at the political scene I would have been covering right now, and everything is up in the air. New parties, new resignations, sovereignist splinter groups, election speculation, fluctuating poll numbers, and a new mantra: that we need to conduct politics differently — even overhaul the system.

At the federal level, this was the summer that Jack Layton died. Say what you will about his platform, the guy understood that human beings need hope. That in itself is a revolutionary idea most days in Ottawa. Now he’s gone, and Canadian progressives have lost one of their strongest unifying voices.

On the media side, Lloyd Robertson is passing the torch. Viewers of the top-rated newscast in the country are losing the familiar, trusted face of a man who’s been in that anchor chair … forever. As every tribute so far has pointed out, it’s the end of an era.

This was also the summer when people all over England found out they could loot and riot for three days straight before police obtained political permission to crack down. Rioting is learned behaviour, and I’d argue the London inferno set a template for serious unrest elsewhere. Even Forbes magazine is now advising its well-heeled readers of a “coming global class war.”

At the same time, they (we?) toppled Gaddafi. My enthusiasm over the latest dictatorial domino falling is tempered by reports the Libyan rebels accepted NATO firepower in exchange for access to the oil fields by companies from NATO countries. Still, a summer of change.

America

Over the past couple months, we also found out that the recession in the United States cut deeper and hurt worse than we thought. The haemorrhaging was only staunched by stuffing the wounds with money. Now even this emergency gauze is running out. If the US double-dips, we could all be going for a swim.

Driving across America this summer, I was struck once again by how much clearer the contradictions seem — the problems built into our shared culture and economy. It’s hard not to envision the decline when you’re riding your bike around the pockmarked twilight of Detroit. Hanging out in the USA is like hitting fast-forward: take political polarization, stratified wealth, unemployment, enraged fundamentalists, and put everything in a blender. Garnish with firearms. Serve to Rick Perry, or Sarah Palin.

Winterset, Iowa. The birthplace of John Wayne.

Paradoxically, I also found some of the most hopeful, helpful people in America. Indeed all the way across the continent, and in my trips around BC, I have discovered pockets of love and support I never knew existed. To each of you who let me stay on the couch, or gave me a meal, or told me your own story, thank you.

Next steps

So, I quit my job. It turns out this was the best thing I could have possibly done for my life and yes, my career. At the same time, I do have regrets. I want to apologize to my former colleagues and employers for the drama. I know I pulled the rug out, and I’m sorry. I hope we can reconcile.

I also regret the fact that some journalists misinterpreted my personal decision as an attack on their integrity or the . This was not my intention. Still, there were some instructive nuggets in even the most negative responses.

I think the National Post alone published three articles this summer analyzing my career choice — one an op-ed, one billed as satire, and one a news story that attempted to map a trend of entitled Gen-Y quitters. Each was well written and interesting to read, but only the first really stuck with me.

Jessica Hume wrote: “In his new role as unemployed blogger, Nagata is no longer bound by these rules. He can now fight the good fight, sharing his thoughts freely on the internet, bring his readers the stories they deserve. If he finds a way to do this — without advertising, shareholders, or a business plan – and finds a way to make a living at it, there may be room for him in Canadian journalism after all.”

I turned this over and over in my mind as I travelled home. When I got there, I began several weeks of meetings with friends, family, and collaborators. My conclusion is this: if you want me to keep writing, I will. You don’t have to call me a journalist, but if you would rather have me participate in the public conversation, I will.

Back to work

What I’m committing to this fall is to go back to work, albeit “without advertising, shareholders, or a business plan.” It’s an experiment.

I noticed something while I was working in television that bothered me deeply. How do so many smart, talented, well-meaning people, working together, create something so intellectually flaccid, even morally ambiguous? Most days it felt like we were actually less than the sum of our parts. What I’ve realized is that this disappointment is not limited to the world of TV journalism. People in all sorts of unrelated fields are wondering about the mandate they’re fulfilling, and questioning the results. I want to keep exploring that.

To start with, I’ll be launching a series of essays starting in mid-September. My focus is the public conversation itself, the thing I’m leaping into. I define the public conversation as the imaginary place where all of us in our different sectors share ideas for social progress. If that conversation is weakened, it becomes much more difficult to find and agree on solutions. What I’m trying to do is use standard journalistic techniques to start exploring the institutions that have historically promoted and safeguarded this thing in Canada.

My theory is there are connections between all of our different worlds, and many of the problems we see right now are actually related. Testing this theory means laying out a foundation, building pillars out of different examples, then trying to find the roof that joins them. I know: bla, bla, bla. I’ll try to explain better in a couple of weeks. Don’t worry, these stories are also full of hockey and drugs and political backstabbing and curious characters. I’ve worked out a partnership to help develop and distribute these articles, and I’ll be posting links on this blog, along with French translations when possible. Like everything else I’m doing, this content will be free to read and share.

I might also pop up on a campus near you. So far I’ve confirmed dates this fall with UVic, SFU, McGill, and Dawson College. We’re going to be talking about television, social media, and career, of course. But my other motive in doing this little tour is to ask faculty and students what they want from Canadian journalism. I want to hear what it is we’re missing, and start developing ideas for how to make things better. These ideas will be a big part of the experiment.

I’m also endorsing an anti-pipeline protest in September in Ottawa. This has less to do with my role as a writer and more to do with my responsibility as a citizen. I have always been an environmentalist, and I think it’s only fair to be up-front about my own beliefs. I’m in the early stages of developing a video documentary along some of these themes.

But my big project this fall is actually in California, where I’ve committed to shooting another documentary, this one about a remarkable individual with a near-impossible dream. This story is completely apolitical. It does have a Canadian connection, but it’s very much parallel to most of the other things you’re going to hear me discuss. I do think there are deeper connections, and that’s what I’ll be exploring in the film.

Like everything I’m putting together right now, this project is only possible because of the amazing people I’m working with. We’ve agreed to try something a little different with this one, format-wise. The plan is to edit the video in the field and release it in three parts this fall, online, for free.

If we can figure out a way to get that story to the people who need to see it, without a network deal or a cola sponsorship, then we can do anything. I’m confident we have the elements in place to make this work. Well, all but one.

The Ask

Back when I worked as a TV reporter, we had this thing called “panhandling”. You probably know it as those parts in a report where the “” offers an opinion about the story. For fifteen seconds of “streeters,” some stories require an hour or more of standing on a corner, thrusting a mic in peoples’ faces. Depending on the subject matter, it can be pretty humiliating. What’s ultimately helpful for a reporter’s ego is that it strips you of your remaining dignity and forces you to get used to rejection from random strangers. So, here I am panhandling.

I wish I could fund these projects entirely with construction and restaurant jobs, but I can’t. Luckily I’ve been offered a grant from one partner, and the universities have promised to help out with travel costs and speakers’ fees. I’m still living in a tent with an extension cord, so that cuts overhead. My family and friends have been very generous this summer with food, and my grandmother’s tiny garden is exploding with produce. (“I’m drowning in beans,” she yelled, as I was typing this.) I’ve also been eating a lot of blackberries. Unfortunately, money doesn’t grow on thorny bushes.

What I need in the short term is to rent two camera kits. The editing gear I know I can get second-hand. I’ve decided to keep the Ford Ranger, because of how handy it will be as a production vehicle. This entails monthly insurance and car payments, plus fuel and basic maintenance. I am also, so far, keeping my cell phone. Its capacity to create an internet hotspot anywhere there’s wireless coverage is proving very useful.

Beyond that, I would really like to provide my collaborators with some kind of honouraria. Several people have signed on to work significant hours with no expectation of pay. This is hard to ask for. Eventually, I would also like to invest in a few pieces of equipment, so I can record interviews and field audio for podcasts. Right now though, the priority is those cameras.

Many of you got in touch offering to buy me a beer. Don’t get me wrong, I like beer. But what I’m hoping is that I can take an advance on that pint, and use it to produce something really cool.

If anyone donates, I’ll be happy to publish reports detailing where every dollar comes from and where it goes. Just let me know if you’d rather be anonymous.

If you’re not comfortable with the whole giving-money-to-a-stranger-on-the-internet thing, I get it. I can also take donations in kind, if you have time or equipment you can spare.

Thanks.